Conséquences en matière de droits de succession pour les citoyens russes résidant à Monaco
Par décret présidentiel en date du 8 août 2023, la Fédération de Russie a suspendu l’application des principales dispositions de 38 conventions fiscales internationales conclues avec des États ayant mis en place des sanctions à son encontre, notamment les États membres de l’Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon.
Pour les ressortissants russes résidant dans ces pays, la perte de la protection conventionnelle rend la résidence en Principauté de Monaco comparativement plus attractive.
Cependant, les ressortissants russes envisageant de s’installer à Monaco et d’y acquérir un bien immobilier situé en France devront prendre en considération les conséquences de la suspension de la convention fiscale franco-russe sur les revenus et la fortune, notamment en matière de droits de succession, lors de la structuration de la détention de leurs actifs immobiliers en France.
Les articles 5 à 22 et 24 de la convention fiscale franco-russe, ainsi que les points 2 à 9 de son protocole, sont concernés par cette suspension, comme mentionné dans un avis publié au Journal Officiel de la République française le 23 juin 2024.
Le 23 octobre 2024, l’administration fiscale française a précisé dans ses commentaires que, conformément au principe de réciprocité (article 55 de la Constitution française), l’application de la convention par la France était également suspendue à compter de cette date (BOI-INT-CVB-RUS, §20, 23 octobre 2024).
Les dispositions conventionnelles concernées portent principalement sur la fiscalité des différentes catégories de revenus (revenus immobiliers, dividendes, intérêts, plus-values, salaires, pensions).
Toutefois, la clause de non-discrimination prévue à l’article 24 est également suspendue.
Cette suspension a un impact sur la fiscalité successorale des ressortissants russes résidant à Monaco et détenant de l’immobilier en France par l’intermédiaire de sociétés (telles que des SCI ou SCP).
En effet, conformément à l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 2 octobre 2015 (n°14-14.256), l’article 6 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 relative aux droits de succession attribue à Monaco le droit exclusif de percevoir les droits de succession sur les parts de sociétés détenant de l’immobilier situé en France, même si ces sociétés sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière française au sens du droit fiscal français.
Cet article permet ainsi, lorsqu’il est applicable, d’exonérer les parts de sociétés détenant de l’immobilier français de droits de succession en France. Cette jurisprudence a également étendu le bénéfice de cette exonération aux défunts ressortissants de pays tiers :
· qui peuvent se prévaloir d’une clause de traitement égalitaire figurant dans une convention fiscale conclue entre la France et leur État de nationalité, applicable aux ressortissants des deux États parties, qu’ils y résident ou non, et à tous types d’impôts, et
· qui ont résidé habituellement à Monaco pendant au moins cinq ans au moment de leur décès.
L’article 24 de la Convention fiscale franco-russe constituait une telle clause, puisqu’il s’appliquait en principe à tous les ressortissants russes, qu’ils résident ou non dans l’un des États parties, et qu’il couvrait l’ensemble des impôts.
Grâce à cette disposition, les ressortissants russes résidant à Monaco et détenant de l’immobilier français par l’intermédiaire de sociétés (comme des SCI ou SCP) pouvaient jusqu’alors bénéficier de l’application de l’article 6 de la convention successorale franco-monégasque.
La suspension de l’application de l’article 24 de la convention fiscale franco-russe prive désormais les ressortissants russes résidant à Monaco de cette possibilité.
Les parts des sociétés qu’ils détiennent, dont les actifs sont principalement constitués de biens ou droits immobiliers situés en France, seront désormais soumises aux droits de succession français, au prorata de la valeur de ces biens dans le patrimoine total de la société, conformément à l’article 750 ter du Code général des impôts.
Étant donné que les droits de succession français peuvent représenter une charge fiscale significative comparée à ceux en vigueur à Monaco, il est vivement recommandé aux ressortissants russes concernés de consulter un conseiller spécialisé afin de réévaluer leur situation patrimoniale.